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Premier Amendement aux
USA et Loi de 1905 en France,
Quelle continuité et quel avenir commun ?par Christian Eyschen, Secrétaire général de la Libre
Pensée
Mesdames, Messieurs, Chers amis, Chers camarades,
La Fédération nationale de la Libre Pensée tient tout d'abord à remercier
l'Université de Paris-Sorbonne, nos amis des Américains Unis qui
luttent pour la séparation des Eglises et de l'Etat aux USA,
l'Alliance Athée Internationale, nos amis du Canada anglais et français,
nos camarades allemands et, bien sur, l'Union Internationale Humanisme et
Laïque (IHEU) d'avoir organiser avec nous et en commun ce colloque qui fera
date.
Au moment où le monde entier est sommé de se positionner en pro ou
anti-américains, nos débats montrent à l'évidence qu'au-dessus et au-delà des
questions de gouvernements et d'intérêts politiques, économiques et souvent
militaires, on peut et on doit confronter nos idées dans l'intérêt des peuples
et des nations.
A comparer la situation du point de vue de la laïcité aux USA et en France,
il y a des choses qui font débat et d'autres qui ne souffrent pas de discussion.
Incontestablement, la Révolution américaine est la mère de la Révolution
française. Il y a une filiation indiscutable. L'enthousiasme réciproque des
peuples pour d'autres peuples par delà l'Atlantique, prenant les armes
pour combattre l'oppression et établir la démocratie, est manifeste. La France a
applaudi à la victoire de Yorktown comme les USA ont vibré à celle de Valmy.
Sur le Vieux Continent comme sur le Nouveau Monde, des hommes éclairés par
les Lumières se sont emparés des idées de démocratie, de république et de
liberté de conscience pour en faire des réalités matérielles. Les philosophes
des Lumières en Europe ont montré la voie, nos peuples ont parcouru le chemin
tracé. Les uns surent être Esprit, les autres furent Matière. Le
philosophe allemand Schelling avait dit : " Une fois que l'aurore est là, le
soleil ne saurait manquer. Toutes les idées doivent d'abord s'être réalisées
dans le domaine du savoir avant de se réaliser dans l'Histoire".
Sur le fond, la Révolution française a été plus loin par l'irruption des
masses populaires sur la scène de l'Histoire où se réglaient leurs destinées.
Sur la forme, la Révolution américaine a été plus loin dans la conquête formelle
des institutions de la démocratie.
Le Premier Amendement de la constitution des Etats-Unis a formulé en les
concrétisant, les principes fondamentaux qui ont fait sortir l'Humanité de la
nuit noire des anciens régimes monarchistes et cléricaux. Encore une fois,
relisons le premier article du Bill of Rights de décembre 1791 : " Le Congrès
n'a pas le droit de voter des lois portant création d'une religion d'Etat ou
interdisant le libre exercice d'une religion, ni qui restreigne la liberté de la
parole ou de la presse ou le droit qu'à le peuple de s'assembler paisiblement et
d'adresser des pétitions au gouvernement pour le redressement de ses griefs".
En quelques mots, le programme démocratique est tracé. Il enflammera les
peuples et les nations dans les siècles suivants. Il n'est ni américain ni
français, il est le patrimoine de l'Humanité toute entière. Il n'y aura, dès
lors, plus une révolte, plus une révolution, plus une décolonisation qui ne
puisera dans ce programme les armes théoriques pour aller de l'avant et avancer
dans la voie de l'émancipation intégrale.
Les formulations politiques du Premier Amendement, nous les retrouvons dans
l'œuvre de la Révolution française, dans la Constitution de 1793 et dans
les grandes lois de liberté de la Troisième République. Une à une, le peuple
français, en prenant le monde entier à témoin, arrachera des lois qui
garantiront le droit de pétition, le droit de réunion, le suffrage universel, la
liberté de presse, la liberté de constituer librement des partis et le droit
intangible de constituer des organisations syndicales indépendantes pour
défendre les droits des travailleurs.
La constitution révolutionnaire française de 1793 ira encore plus loin en
indiquant dans son préambule constitué par la déclaration des Droits de
l'Homme dans l'article 35, le dernier, qui proclame comme un principe
démocratique ultime : " Quand le gouvernement viole les droits du peuple,
l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus
sacré des droits et le plus indispensable des devoirs".
Chaque pas en avant d'un peuple entraîne un autre peuple à poursuivre plus
loin sur le chemin. Cet article de la constitution française de 1793 poursuivait
la Déclaration d'indépendance américaine du 4 juillet 1776 qui proclamait que
"le juste pouvoir émane du consentement des gouvernés" et qu'en l'espèce le
contrat social n'a pas été respecté, ce qui justifiait de la part des colons, le
droit de rompre leur engagement, d'où la nécessité de "rejeter un tel
gouvernement", "le devoir de renverser le gouvernement".
Comme le souligne l'ouvrage "La conquête des droits de l'Homme", édité par la
Fédération française des clubs UNESCO et la Ligue des Droits de l'Homme : " Ce
texte montre que la résistance armée représente le stade ultime de la
contestation de la domination anglaise sur les treize colonies en Amérique. Ce
principe du droit de résistance à l'oppresseur justifiera la lutte des peuples
dominés et colonisés aux XIXe et XXe siècles".
Il a fallu quinze années pour aller de la déclaration d'indépendance
américaine de 1776 au Bill of Rights de 1791, il faudra presque un siècle entier
pour parcourir le même chemin en France. 1789, 1830, 1848, 1871, 1882, 1884,
1886, 1901, 1905 sont des dates fondamentales dans l'histoire de notre pays. A
chaque fois, le peuple s'est mis debout et a dressé souvent des barricades pour
faire triompher ses droits et ses libertés. L'insurrection est consubstantielle
à la conquête de la liberté, cela était vrai hier, c'est toujours vrai
aujourd'hui.
"La route est longue, Savannah" comme on dit au Nouveau Monde, mais la route
a enrichi le contenu de la liberté en frappant plus fort, plus vite et plus loin
en France. Les plus grandes libertés démocratiques font désormais partie des
droits inaliénables et vivent dans la conscience des citoyens, même si, ici ou
là, on cherche toujours à les remettre en cause. Ne voit-on pas dans ce pays où
nous nous réunissons, la tentative récurrente de recourir au délit de
blasphème, de remettre en cause la liberté des partis, et de liquider le droit
du syndicalisme indépendant de ne pas sacrifier les acquis ouvriers sur l'autel
des exigences du libéralisme et de ses institutions supranationales incarnées
par le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne ?
A comparer le chemin parcouru aux USA et en France, force est de constater
que les idéaux originels furent les mêmes. Mais les résultats sont différents
parce que les histoires vécues furent différentes.
Le Premier Amendement américain et la loi française de 1905 décrètent
la séparation des Eglises et de l'Etat. C'est indiscutable, mais les raisons et
les concepts ne sont pas les mêmes. Le Nouveau Monde a été constitué par des
populations qui fuyaient, notamment, la persécution des Etats et celles des
religions dominantes. Il s'agissait alors de protéger les religions
minoritaires venant d'Europe de l'ingérence de l'Etat. C'était l'affirmation de
l'exigence de vouloir croire à qui on voulait et comme on voulait en toute
liberté. C'est ce qui explique qu'en Amérique du Nord, il y a, à la fois la
séparation, et aussi une main mise extrêmement importante du fait religieux sur
la société dans tous les domaines. Les partisans de la séparation des
Eglises et de l'Etat, les athées et les libres penseurs doivent lutter sans
cesse pour défendre leur droit à l'existence de citoyens.
En France, depuis Clovis, l'Etat et la société étaient sous la coupe de
l'Eglise catholique, apostolique et romaine. De la Renaissance à 1905 en passant
par cet évènement capital que fut la Révolution française aux conséquences
universelle, ce fut la lutte inlassable pour protéger l'Etat et la société de
l'ingérence catholique. C'était le combat pour défaire le cléricalisme et faire
triompher la liberté de conscience. Les conséquences pratiques de la séparation
française font qu'il n'y a aucune différence de traitement entre le libre
penseur et le croyant. Du point de vue des institutions publiques,
l'appartenance ou non à une Eglise ne pose aucune question et ne soulève aucun
problème. Les libres penseurs sont égaux à tous les citoyens. Alors qu'aux USA
et dans les pays ne connaissant pas une telle séparation des Eglises et de
l'Etat, les laïques, les athées et les libres penseurs doivent mener une
véritable lutte pour faire reconnaître leurs droits en tant que tel. Mais cela
n'a aucun sens en France.
J'étais la semaine dernière dans un congrès d'athées allemands et l'on me
posait la question "Comment faites-vous pour sortir d'une religion ?". En
Allemagne, on est "officiellement" membre d'une confession. Le libre penseur qui
refuse d'acquitter l'impôt d'Eglise (9% de son impôt) doit accomplir un acte
juridique de sortie de l'Eglise. Cela a parfois des conséquences importantes
dans la vie quotidienne puisqu'il existe là-bas ce que certains voudraient voir
en France, à savoir l'impôt prélevé à la source sur la fiche de paie.
L'employeur est donc au courant de l'appartenance religieuse ou non de son
salarié. C'est une véritable atteinte aux libertés individuelles. En France,
"sortir" d'une religion, c'est aussi simple que d'entrer et de sortir d'un
cinéma. La séparation des Eglises et de l'Etat n'est donc pas une question
formelle, elle est le fondement des libertés des citoyens et garantit l'égalité
des droits. La séparation en France, c'est aussi, de manière de plus en plus
importante, celle de ne pas croire.
Examinons d'autres aspects de cette question. L'Eglise catholique, religion
dominante en France, a combattu dès le départ la Révolution française. Celle-ci
était profondément antichrétienne, indépendamment de la conscience des acteurs
de l'époque. Elle l'était sur le plan religieux comme l'a montré la tentative
d'une religion de substitution par le culte de la Raison. Elle l'était sur le
plan institutionnel par la Constitution civile du clergé. Elle l'était
politiquement, le Vatican ayant partie liée avec les émigrés de Coblence. Elle
l'était aussi culturellement. Lors de la création des départements, les noms
choisis sont tous des noms de lieux (fleuves, montagnes, etc..), ils ne sont
jamais en référence avec la religion. Ce n'est pas l'époque que l'on aurait crée
le département de la Seine-Saint-Denis.
Du fait de cette volonté du Vatican de rétablir l'Ancien régime, la
question religieuse prendra une dimension essentielle et la lutte anticléricale
et antireligieuse sera une donnée fondamentale de la lutte politique, économique
et culturelle qui va se mener. La lutte pour la liberté de conscience prendra au
cours des décennies jusqu'en 1905 une dimension violemment anticléricale.
L'anticléricalisme, c'est la laïcité, c'est à dire la séparation des Eglises et
de l'Etat. Cela est distinct de la lutte antireligieuse.
Mais il fallait faire reculer l'Eglise catholique dans ses prétentions à
régenter toujours les corps et les consciences. L'anticléricalisme en France se
chargera donc d'une dimension antireligieuse prononcée. Même s'il faut
distinguer soigneusement la laïcité qui concerne l'Etat (un système
politique institutionnel garantissant la neutralité de l'Etat, de l'Ecole
publique et des services publics) de la lutte antireligieuse qui concerne
les citoyens (l'athéisme et la Libre Pensée comme doctrines philosophiques),
force est de constater que l'anticléricalisme en France a pris une forte
dimension antireligieuse.
Nous rappelons à ce propos que la position de la Libre Pensée a toujours été
de revendiquer une stricte neutralité de l'Etat dans les questions de
métaphysiques, ni en faveur ni en défaveur des religions ou de la Libre Pensée.
Les institutions publiques doivent être laïques, les citoyens sont libres d'être
athées ou croyants. Il y a une stricte séparation du domaine public et du
domaine privé. C'est cette séparation qui garantit la liberté absolue de
conscience qui est de croire ou de ne pas croire dans le domaine privé.
Il faut noter aussi que le mouvement ouvrier naissant en France, puis dans la
force de l'âge, s'est emparé de la revendication démocratique de séparation des
Eglises et de l'Etat pour pousser les choses le plus loin possible. Cet intérêt
date de la révolte des Bras-nus au moment de la déchristianisation de 1792-1794.
Au XIXe siècle, il y a eu une alliance objective entre le mouvement démocratique
et le mouvement ouvrier pour faire triompher la laïcité institutionnelle. La
majorité républicaine qui voit le jour en 1877 et qui va construire l'Ecole
laïque et instituer la Séparation a un programme concentré sur deux points : la
laïcité et l'amnistie des Communards.
Cette époque fut un moment de notre histoire. Nous ne le renions nullement.
Il y a eu une brève conjonction provisoire d'intérêts entre le mouvement ouvrier
et le mouvement républicain. Mais toutes les opérations menées depuis dans la
phase décadente de la bourgeoisie se sont toutes heurtées sur la réalité
sociale. Aucune force ne pourra jamais "transcender" la réalité sociale que nous
appelons la lutte de classes.
Beaucoup plus tard, lorsque la bourgeoisie, pour préserver ses intérêts
dominants, refera mouvement vers l'alliance avec l'Eglise, c'est le mouvement
ouvrier qui prendra totalement en charge la lutte laïque. Au début des années
1890, dans le même mouvement, l'Eglise catholique réactualise sa doctrine
sociale avec Rerum Novarum pour la mettre en conformité avec le capitalisme
et se "rallie" à la République pour faire une offre de service aux grands
de ce monde de l'époque.
Après quelques hésitations, la bourgeoisie rompt avec l'exigence laïque et
cela se concrétise au moment de la Première guerre mondiale, notamment par
l'Union sacrée. C'est-à-dire au moment de l'avènement de l'impérialisme et de la
fin du partage "pacifique" du monde. Dès lors, "le capitalisme porte la guerre
comme la nuée porte l'orage" dira alors Jean Jaurès. Et la guerre, c'est d'abord
la guerre sociale.
Le combat pour l'émancipation économique (la fin de l'exploitation de
l'homme par l'homme) devient consubstantiel avec celui de l'émancipation
politique (l'égalité des citoyens devant la loi) et pour faire triompher la
liberté absolue de conscience (la laïcité). C'est aujourd'hui, de fait, un seul
et même combat, celui de l'émancipation intégrale de l'Humanité.
Aux Etats-Unis d'Amérique, du fait de la victoire "anticipée" concrétisée par
le Premier Amendement, l'affrontement global démocratique entre les religions et
l'Etat moderne n'a pas eu lieu. La radicalisation comme en France n'a pas eu de
prise pour s'exprimer, même s'il y a eu, bien sur, des conflits importants. Il
faut souligner aussi que le mouvement ouvrier aux Etats-Unis au cours des XIXe
et XXe siècles s'est cependant poser les problèmes de la lutte antireligieuse,
notamment contre les formes de corporatismes chrétiens qui voient le jour alors
pour contrer l'essor du syndicalisme de l'American Fédération of Labor (AFL) et
du syndicalisme d'industrie (CIO). Dans les années noires où triomphait le
totalitarisme en Europe, l'Eglise catholique américaine prônait le Corporatisme
issu directement de la doctrine sociale du christianisme comme celui qui
triomphait à Vichy au moment de la collaboration Une de ses composantes
réclamait ouvertement l'aide à l'Allemagne nazie et à l'Italie fasciste.
Mais, historiquement et politiquement, la situation politique n'est pas la
même qu'en France. L'action de l'Eglise catholique pour le retour de l'Ancien
régime a amené la bourgeoisie triomphante à aller plus loin qu'elle ne
l'aurait voulue dans la lutte contre l'Eglise. Cet affrontement n'a pas eu
lieu aux Etats-Unis. La séparation prévue par le Premier Amendement
ne se charge pas d'un contenu anticlérical et encore moins antireligieux. Pour
autant, une société moderne ne peut rester durablement étouffée par le
religieux. Il n'y pas de démocratie véritable, s'il n'y a pas de laïcité
véritable. Le développement des organisations laïques, athées et de libres
penseurs montrent un début de frémissement aux USA.
Par ailleurs, le fondamentalisme protestant qui est apparu aux USA en 1912,
loin d'être le produit d'une nouvelle évangélisation est plutôt la marque d'un
recul du religieux. Le fondamentalisme, c'est la réponse crispée à une menace et
non l'essor du religieux. L'intégrisme est toujours le produit d'une crise,
jamais d'une situation de développement. Il n'y a jamais d'intégrisme quand la
société est entièrement sous la coupe du religieux, car alors la religion
embrasse toute la société.
Les Etats-Unis sont marqués par une véritable contradiction. La séparation
existe et pourtant elle ne se manifeste que faiblement, c'est pourquoi on ne
peut pas parler d'un pays où la laïcité existerait véritablement, mais
comme avait dit Galilée," Et pourtant, elle tourne", car la séparation
existe. Les différents démêlés judiciaires où des organisations luttant
pour le respect de la séparation, celles des athées et des citoyens libres
penseurs, s'appuyant sur le Premier Amendement, obtiennent des décisions de
justice affirmant la séparation, montrent une véritable réalité aujourd'hui.
Cela ne suffit pas au triomphe final, mais s'il y a des bases juridiques pour le
combat laïque, c'est qu'il y a des éléments politiques incontestables de
séparation. "L'Humanité ne se pose jamais que les seules questions qu'elle peut
résoudre", disait Marx.
Il y a des différences, il y a des ressemblances en France et aux USA. De ce
point de vue, le combat que mène la Libre Pensée française pour se saisir de la
loi de 1905 en utilisant les tribunaux administratifs, souvent avec succès, pour
faire condamner les collectivités publiques qui subventionnent les visites du
pape ou les subventions aux associations religieuses est de même nature que
celui des organisations laïques, athées et de libre pensée en Amérique du Nord
pour faire respecter le Premier Amendement. Le combat juridique est
d'abord et avant tout un combat politique pour nous, des deux côtés de
l'Atlantique, pour faire triompher le principe de séparation des Eglises et de
l'Etat.
La question de la laïcité se pose aussi aux USA comme une conquête
démocratique à élargir et à instituer de manière complète. De manière beaucoup
plus importante qu'en France où le socle fondamental reste la séparation, même
s'il y a des remises en cause importantes; il y a aux USA une double culture et
une double législation. L'une de séparation et l'autre de cléricalisme
étouffant. Ce double aspect est manifeste sur les billets de un dollar. A
gauche, le triangle maçonnique avec le delta lumineux et la formule "Pour un
ordre séculier" (c'est-à-dire une société laïque) et au milieu la devise
"In God we trust" qui, rappelons-le, n'est pas la devise traditionnelle des
Etats-Unis qui était "E pluribus unum" (plusieurs font un) manifestant
ainsi l'unité du corps social au sens de Rousseau, ce qui impose d'écarter la
question religieuse qui ne peut que diviser. Cette devise "In God we
trust" n'est devenue officielle que dans les années 1950 avec le triomphe
du maccarthysme. Il ne faut pas confondre l'arbre et la forêt, pas plus que
l'histoire et l'événementiel.
Quand il y a deux cultures aussi différentes et contradictoires, il y en a
une de trop. La confrontation aura donc lieu tôt ou tard sous les formes que
décidera le peuple américain, mais nous sommes persuadés qu'elle aura lieu. Le
mouvement ouvrier qui tente de résister et qui commence à chercher une forme de
représentation politique, ne pourra se désintéresser de ce problème. Car la
question religieuse n'est pas une question de croyance, c'est une question
sociale et politique. Les religions monothéistes sont toutes pour le maintien de
l'oppression sociale et le mouvement ouvrier ne peut donc que lutter contre.
L'absence du mouvement ouvrier américain dans le combat laïque, dans cette
perspective historique, ne peut donc être que provisoire. Même s'il y peut y
avoir des situations provisoires qui durent parfois longtemps.
On pourra toujours trouver un curé ou un pasteur qui aime les ouvriers, il y
a en eu et il y a encore ; un rabbin qui adore les non-circoncis, c'est plus
rare ; un imam tolérant, c'est toujours possible. C'est leur contradiction
et non la notre. On pourra chanter Averroès à Cordoue et Avicenne à Hamadhan;
tout cela est bel et bon, mais les individus dans leurs particularités ne
sauraient changer les lois de l'histoire. Hitler avait aussi son "bon juif",
cela ne prouve rien. Seule la réalité sociale et politique est un critère
valable pour comprendre les choses.
Mais la question réelle est que toutes les religions monothéistes sont pour
le maintien de l'oppression sociale. Personne ne peut balayer ce fait d'un
revers de main. Et la lutte pour l'émancipation intégrale ne pourra jamais
dispenser le mouvement ouvrier de se préoccuper de la question religieuse qui
est, d'abord et avant tout, une question du maintien de l'oppression sociale. On
ne peut jamais dissocier la lutte contre la cause de celle des conséquences. Et
vice-versa aussi. Cela s'appelle la dialectique. Il n'y a jamais de parenthèse
durable dans la lutte pour l'émancipation.
La question de la séparation des Eglises et de l'Etat est une revendication
démocratique fondamentale. Aucun peuple, aucune révolution n'ont pu faire
l'économie de cette discussion et de ce problème. Comment ne pas constater que
les révolutions américaine, française, mexicaine, russe, de 1776 à 1918 se sont
toujours confrontés à ce problème ?
Comment de pas constater que, sous des formes différentes à des époques
différentes, Thomas Jefferson, Ferdinand Buisson, Emilio Zapata et Vladimir
Illich Oulianov dit Lénine ont emprunté les mêmes voies pour affirmer la
séparation des Eglises et de l'Etat ? Il ne saurait y avoir de démocratie
véritable sans laïcité institutionnelle.
Nous vivons sous la férule de ce que l'on appelle la mondialisation. Dès
lors, plus personne ne peut penser raisonnablement qu'il peut défendre ses
droits et intérêts seul au détriment et contre tous. La question de la lutte
pour la séparation des Eglises et des Etats devient une question qui se pose sur
l'aréne mondiale, parce que toutes les questions fondamentales ne peuvent se
penser et se régler que sur un plan international.
C'est donc avec plaisir et intérêt que nous constatons que les problèmes
d'une coopération internationale entre athées et libres penseurs devient le
souci d'un grand nombre d'organisations à travers le monde. La convergence entre
les différentes organisations est donc vitale pour faire triompher partout la
séparation des Eglises et des Etats.
C'est pourquoi, la Fédération française de la Libre Pensée est fière d'avoir
pris l'initiative avec les athées américains et l'Union des Athées de
constituer, en relation amicale et fraternelle avec l'IHEU, le Comité
International de Liaison des Athées et des Libres Penseurs pour œuvrer au
regroupement international de tous les partisans d'un véritable humanisme athée
luttant pour la totale séparation des Eglises et des Etats partout dans le
monde.
Réunir dans une même structure internationale ceux qui ont pensé la
séparation (les Etats-Unis d'Amérique) et ceux qui l'ont réalisé le plus
complètement possible (la France) est un gage de succès. Se détourner de cette
exigence de travail en commun serait tourner le dos à un véritable combat
efficace. La laïcité ne se décline pas partout de la même manière du fait des
situations différentes dans chaque pays, mais partout elle impose que l'objectif
fondamental soit la séparation effective des Eglises et des Etats.
Comment ne serait-il pas possible d’agir ensemble alors que sur tous les
continents, dans tous les pays, nous sommes confrontés aux mêmes problèmes ? Les
religions sont les adversaires résolus de la démocratie et de la liberté de
conscience. Partout, qu’elles s’appellent catholicisme, protestantisme,
orthodoxie, juive, musulmane ou hindouisme, elles veulent imposer leurs dogmes
et leurs obscurantismes.
Sur le Vieux-Continent, à l’heure où se construit une Union européenne basée
sur des exigences uniquement économiques, où l’Eglise catholique œuvre pour
qu’elle soit une Europe vaticane et réactionnaire, la laïcité est toujours
refusée à la majorité des nations. En France même, l’acquis de la laïcité de
l’Ecole et de l’Etat, notamment au nom de la construction européenne, est
gravement menacé.
Défendre la laïcité partout où elle existe, la conquérir partout où elle
n’est pas instituée, voilà notre combat. Et il n’est pas seulement européen,
mais aussi mondial. La séparation des Eglises et de l’Etat est une des
conditions nécessaires pour instaurer une véritable concorde entre tous, dans
chaque peuple et entre chaque peuple.
Pour nous, le centre du problème n'est pas de se limiter à ce que les
laïques, les Athées et les Libres Penseurs aient les mêmes droits que les
croyants et que nos associations aient les mêmes privilèges que les Eglises. Il
faut frapper au cœur du cléricalisme et réclamer la totale séparation des
Eglises et des Etats. Nous ne revendiquons pas que les partisans de la
séparation, les Athées et les Libres Penseurs soient une communauté à côté de
celles des Eglises et des religions.
Nous voulons la séparation totale des Eglises et des Etats qui, seule,
garantie des droits égaux pour tous. Nous refusons l'apartheid philosophique
avec un "développement séparé" pour nous et les croyants. Nous combattons
pour l'égalité absolue qui impose la laïcité de l'Ecole publique et de l'Etat.
Que nous importe de toucher des subsides publics comme les Eglises, nous voulons
la liberté totale garantie par la neutralité métaphysique des Etats.
Il existe un grand nombre d'associations laïques, d'Athées et de Libres
Penseurs à travers le monde. C'est le produit de l'Histoire et d'histoires
différentes dans les pays. Chaque peuple, chaque organisation a son propre
chemin dans la lutte. Mais nous pensons qu'aujourd'hui, nous pouvons ensemble
surmonter cette dispersion et coordonner nos actions pour faire reculer encore
plus les religions. Il faut une Internationale des Libres Penseurs et des
Athées, car nous ne pouvons rester isolés chacun dans notre pays.
Les réponses positives que nous avons reçues du continent américain, de
l'Afrique, de l'Océanie et de l'Europe sont un gage d'avenir pour notre combat
démocratique. Le congrès mondial des libres penseurs et des athées, à Paris en
2005, pour le centième anniversaire de la loi de séparation française de 1905
est déjà une réalité.
Le congrès mondial de la Libre Pensée à Rome de 1904 fut le prélude du
triomphe de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat de 1905 en France.
Gageons que celui de 2005 sera celui du triomphe de la séparation dans beaucoup
d'autres pays.
Et comme on dit en France :
Ni dieu, ni maître ! A bas la Calotte ! Et vive la Sociale !
Je vous remercie
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