Contribution de J.P. BIOUL (Fédération
des B.d.R. - Groupe Quatre-vingt treize)
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BIBLIOGRAPHIE
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Question à l’étude 2004 : La
problématique de la séparation des Eglises et des Etats
Contribution de Jean-Pierre Bioul , co-animateur de la commission fédérale
départementale
L’objet
de cette contribution est le suivant :
-
1°) Formuler et communiquer les réflexions
venues à mon esprit à l’occasion de la lecture attentive d’un premier
dossier diffusé en novembre /décembre 2003 au sein de la FDGLP.des BdR.
-
2°) Tenter, à partir du rassemblement de ces matériaux, de contribuer à
décliner les principales pistes de
réflexions attendues par l’ensemble des libres penseurs pour faciliter le
développement du travail .
-
3°) faire état d’un premier ensemble d’ouvrages et de documents qui ont été
consultés (ou auraient mérité de l’être ) à l’occasion de ce premier examen de
notre question question à l’étude 2004.
I) Réflexions suscitées par le
dossier ( diffusé à partir du 11/11/03 )I.I Rappel des éléments
constitutifs du dossier :
-
a) bref échange tenu le 22/10/03 ( Joël D, Jean-Pierre B, Henri
Huille )
-
b) Les principes de la loi de 1905 ; document ( 2 pages ) de l’Union Rationaliste section de Loire
Atlantique .
-
c) Vous avez dit LAICITE ? ; document ( 4 pages )
encarté dans le n° 164 ( avril-mai-juin 2001) de « Europe et
Laïcité », bulletin du CAEDEL
-
d) Pour la laïcité en Europe ; intervention ( 6 pages ) de
Christian Eyschen à France Culture, le 8 juin 2003 .
-
e) Premier Amendement aux USA et loi de 1905 en France. Quelle continuité
et quel avenir commun ? ; contribution, pour la FNLP, de
Christian Eyschen au « colloque
international Thomas Jefferson » tenu à Paris-Sorbonne les 28/29 septembre
2002 .
I.2 Etat des réflexions
I.2.a : à propos d’un bref
échange …
Il a le mérite de rappeler sous une forme
brève, vivante et dynamique les définitions des concepts et principes qui définissent et
sous tendent la laïcité institutionnelle.
La mise en évidence du caractère fondateur
de la liberté de conscience ( pour le moins reconnue par la quasi totalité des
Etats ) indique la valeur universelle
de la laïcité institutionnelle bien qu’elle ne soit
aujourd’hui que très embryonnairement établie sur l’ensemble de la planète. ( à noter que notre bref échange a aussi le
mérite de mettre le doigt sur ce fait qu’un dispositif de laïcité
institutionnelle ne représente pas pour une société la garantie absolue du respect en son sein des valeurs
laïques. C’est un acquis fondamental , une référence , un point d’appui , pour l’ensemble du
combat pour la laïcité à l’échelle de toute l’humanité.
Il sera sans doute nécessaire d’étudier
précisement les concepts ( république,
démocratie… ) utilisés pour qualifier les régimes institutionnels considérés
comme compatibles avec l’institution effective de ce principe de philosophie
politique qu’est la laïcité .
A ce sujet, on se limitera ici à une
remarque suscitée par la rédaction même de la question à
l’étude. La formulation de son 3ème
paragraphe interpelle en effet notre réflexion :
« Pour
autant, dans les pays qui ne sont ni des Républiques, voire même pas des
Démocraties, comment peut s’affirmer l’exigence laïque ?
Poser ainsi cette question ( dont le fonds sera
abordé plus loin ), c’est
formellement affecter à l’ensemble des Républiques qu’a connu et que connaît
l’histoire, le contenu universel des valeurs démocratiques issues de notre
révolution de 1789/93. Ce n’est manifestement pas le cas . ( se référer
par exemple au Que sais-je de Nicolas Tenzer ).
Il conviendrait, à mon avis, de considérer que la
question formulée à ce 3ème paragraphe concerne simplement les pays dont les institutions ne
comportent pratiquement aucun élément de démocratie…
1.2.b :
apport du texte de l’Union Rationaliste de Loire Atlantique : principes de
la loi de 1905
Cette contribution synthétique, voire schématique
établit clairement que les deux premiers articles fondamentaux de la loi de
1905 ( regroupés sous le titre 1er intitulé Principes ) traduisent
d’une façon conséquente les valeurs républicaines de Liberté et Egalité . Des points de repères
significatifs de l’affirmation solennelle de ces principes sont cités.
Liberté :
- article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26
août 1789 ;
« Nul
ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses, pourvu que leur
manifestation ne trouble
pas l’ordre public établi par la loi »
·
article 354 de la Constitution de l’an III ( 1795 – et
non 1793 comme indiqué )
« Nul ne peut
être empêché d’exercer, en se conformant aux lois, le culte qu’il a choisi »
·
exposé des motifs du décret du 2 avril 1871 de la
commune de Paris ( rétablissant - pour quelques semaines…- la séparation de l’Etat et des
religions :
«Considérant que
le premier des principes de la République Française est la liberté ;
Considérant
que la liberté de conscience est la première des libertés… »
Egalité : - article 354 de la Constitution de l’an
III
«Nul
ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République
n’en salarie aucun. »
·
décret du 2 avril 1871 de la commune de Paris :
« Le
budget des cultes est contraire au principe de la liberté puisque il impose les
citoyens contre
leur propre foi »
Réflexions.
·
Une connaissance plus approfondie des processus
historiques ( idées, faits sociaux et
institu-tionnels..) ayant abouti à la loi de 1905 sera certainement nécessaire
à notre étude. ( voir notre
« embryon » de bibliographie )
Il y a des leçons à tirer pour tous les cheminements que les humanistes
laïques cherchent à conduire dans tous les pays .
Exemple :
·
l’étude de M. Le
Normand publiée par la Libre Pensée
nantaise qui met en évidence « l’offensive » ou pour le moins la dérive cléricale des montagnards à propos de la
déclaration des droits de juin 1793 peut conduire à considérer qu’il s’agit là
d’erreurs ayant contribué au difficile cheminement aboutissant à 1905. .
Ne faut-il pas, à ce propos, considérer que les
positions défendues par Condorcet en matière d’égalité ou de souveraineté du
peuple ont valeur actuelle ?
·
On constate, avec cette contribution, que la loi de
1905 est l’inscription légale dans notre
République de principes formulés auparavant dans des déclarations de droits , dans des
textes constitutionnels Cela ne donne-t-il pas des moyens pour le combat laïque dans les pays ne
connaissant pas la laïcité institutionnelle? Rechercher les points d’appui (
textes législatifs, déclarations – spécifique , voire universelle – étayant la
revendication que sur telle ou telle question où se mène un combat, la religion
doit rester dans la sphère privée.
I.2.c : Remarques concernant
le document du CAEDEL : Vous avez
dit LAICITE ?
Ce document qui se veut pédagogique à l’attention
d’un vaste public, fournit une définition correcte du contenu et des
implications de la Laïcité.
La dénonciation des dérives actuelles (
différenciation des droits, communautarisme ) y est abordée .
La conclusion ( cf le cadre intitulé « LAICITE
et XXI° SIECLE ) ne pose - t-elle pas problème ? La laïcité est certes une valeur universelle et l’on peut
affirmer que « l’Europe en construction et La coopération Internationale
constituent ( pour elle) des champs considérables d’expansion ». Mais, ne faut-il pas qualifier et
combattre l’entreprise de destruction laïque à l’œuvre dans « l’Europe
en construction »?
Fort heureusement les propos militants tenus par
Etienne Pion, président du CAEDEL, dans
le colloque national à Bordeaux le 24
mai dernier répondent à cette nécessité comme en attestent ces extraits :
( à propos de l’édification de la communauté européenne ) …
« l’idée aurait pu être positive
sil’entreprise avait été doté de bonnes bases, c’est à dire si elle s’était
fondée sur la volonté commune des peuples ainsi associés »…/… De cette Europe des régions, résurgence de
feu le Saint-Empire Romain Germanique , nous ne voulons pas ! »…
I.2.d :
Réflexions à propos de l’intervention de Cristian Eyschen à France
Culture (8/6/2003)
Pour la laïcité en Europe
S’agissant d’une « fédération » d’Etats la
laïcité institutionnelle est notamment consubstantielle
à ce principe fondamental de la démocratie :
droit des peuples à disposer d’eux mêmes
Observons la méthode utilisée pour poser la
problématique particulière de l’instauration de la
Laïcité institutionnelle dans l’actuelle Union Européenne.( 15 Etats )
Situation au
départ
·
14 Etats connaissent religions d’Etat,( Europe du nord
), Eglises d’Etat ( Angleterre, Grèce)
ou concordats avec le Vatican .
--à emprises cléricales :
·
ministres des cultes peuvent enseigner dans Ecoles
publiques ( 14 pays )
·
fonds publics détournés vers écoles privées dans 15
pays
·
délit de blasphème dans 6 pays
·
un dispositif supranational doté d’un arsenal d’outils
antidémocratiques ( traités, cour européenne , subsidiarité )
Dés lors un
diagnostic rationnel est formulé « Cette future constitution
européenne sera donc cléricale, nul n’en peut douter aujourd’hui »
Comment dés
lors aller vers la laïcité institutionnelle ?
Le moyen proposé , c’est le rassemblement des forces sur
la base de la défense des revendications exprimant la défense des droits (
liberté, égalité ) qui fondent la laïcité :
·
Contre la préservation des privilèges des
religions ! ( égalité )
·
Contre l’officialisation de leurs existences dans les
institutions ( égalité)
·
Pour l’absolue liberté de conscience ! ( liberté )
·
Pour la laïcité
en Europe ! ( liberté, égalité, fraternité )
et pour cela, obtenir les moyens :
·
Contre l’Europe vaticane, cléricale et
religieuse !
·
Pour la séparation des Eglise et des Etats !
Nous proposons cette méthode parce que c’est celle de
l’émancipation de l’humanité , C’est celle du combat démocratique pour les
droits , C’est celle qui sous tend l’exercice du Droit des peuples à disposer
d’eux mêmes ( enjeu affirmé dés l’introduction de cette contribution ).
On observera que le 6 juin 2003, 2 associations La Libre Pensée Française et la National Secular Society appelaient au rassemblement le 6
décembre sur la base de la plateforme qui vient d’être examinée.
Le 6 décembre 2003, 32 associations de 14 pays
différents étaient présentes ou représentées.
Question finale : aller vers notre idéal de
séparation des Eglise et des Etats dans les autres pays du monde
nécessiterait-il d’autres principes d’action ?
I.2.e :
Premier Amendement aux USA et Loi
de 1905 ? ( contribution de C
Eyschen au colloque
International Jefferson à Paris-Sorbonne les 28/29
septembre 2002 )
Que dit ce fameux premier Amendement ( à la
Constitution ) ou 1er article du Bill
of rights ?
( ratifié par le Congrés le 15 décembre 1791 )
« Le
Congrés ne fera aucune loi qui touche l’établissement ou interdise le libre
exercice d’une
religion,
ni qui restreigne la liberté de la parole
ou de la presse, ou le droit qu’a le peuple de s’assembler pacifiquement et
d’adresser des pétitions au gouvernement pour la réparation des torts dont il a
à se plaindre » .
Ce texte aboutit bien à « construire un mur de
séparation entre l’église et l’Etat » comme
l’expliquait Thomas Jefferson en 1802 dans une
réponse à une association baptiste .
Avec les éléments de la contribution , on peut
dresser cette étude comparative
1°) points
communs :
·
La France a applaudi à la victoire de Yorktown comme
les USA ont vibré à celle de Valmy
·
Eclairés par les
lumières, les hommes se sont emparés des idées de démocratie, République,
liberté de conscience pour en faire des réalités matérielles
·
les combats juridiques menés aujourd’hui des deux
côtés sont le même combat pour faire triompher le principe de
séparation des Eglise et de l’Etat ( à relire après examen du tableau
schématisant les différences )
2°) différences ( histoires vécues --à résultats )
1er Amendement
- le nouveau monde
a été constitué par des populations qui fuyaient la
persécution des Etats et des religions dominantes ; il s’agissait de protéger les religions
minoritaires
venant d’Europe de l’ingérence de l’Etat
- Il y a à la fois
séparation et main mise importante du fait religieux
sur la société dans tous les domaines
- victoire « anticipée » à l’affrontement
démocratique
entre religions et Etat moderne n’a pas eu lieu
- pour autant, une société moderne ne peut
rester lontemps
étouffée par le religieux
- situation
actuelle contradictoire : la laïcité n’existe pas véritablement mais la
séparation existe et ceux qui luttent pour
son respect obtiennent des résultats conséquents
dans les démêlés judiciaires qu’ils conduisent ( voir nota çi-dessous )
-
pronostic : le mouvement ouvrier
américain finira par se saisir
de la question religieuse parce que
toutes les
religions monothéistes sont pour le maintien de l’oppression
|
Loi de 1905
- de la
Renaissance jusqu’à 1905 , lutte inlassable pour protéger l’Etat et la société de l’ingérence
catholique
-
dans la
séparation, aucune différence de traitement entre le libre penseur et le croyant
- le Vatican combat la Révolution à la laïcité c’est l’anticléricalisme
- prétention de l’Eglise catholique à
régenter les corps et les
consciences à l’anticléricalisme se charge
d’une dimension antireligieuse
- 1877 à
1905 : conjonction provisoire entre mouvement ouvrier et
mouvement républicain
- avec la 1ère
guerre mondiale, les combats pour
l’émancipation économique et politique deviennent consubstantiels
|
Nota à propos des
démêlés judiciaires victorieux en Amérique :
Il suffit de se référer à notre mensuel La RAISON
Voir par exemple dans le n° 474 ( septembre/octobre 2002 ) les articles de Philippe Besson ;
ont notamment été déclaré inconstitutionnels ;
-
lois votée dans les états du Rhode Island et de Pennsylvanie
prévoyant la prise en charge partielle des salaires d’enseignants d’écoles
confessionnelles
-
lois de l’etat de New York d’aides aux écoles religieuses
-
l’organisation de prières
( remises de diplômes, rencontres sportives )
-
la récitation du serment d’allégeance plaçant la nation sous
la protection de Dieu instauré par
Eisenhower en 1954 …
Et n’oublions pas le refus du gouverneur de l’état
du Minnesota, Jesse Ventura, de
s’associer en mai
1999 à une journée
nationale de la prière soutenue par
le président Clinton . Refus que la
FNLP était allée saluer et soutenir.
2) Quelles pistes
de réflexion pour que nos travaux (
études, reflexions, discussions )
aboutissent à des
conclusions répondant aux trois questions formulées dans les 3 derniers
paragraphe du du texte formulant
« la question à l’étude 2004 ?
Ces trois questions sont celles-çi :
1° ) Dans
les pays qui ne sont ni des Républiques, voire même pas des Démocraties,
comment peut s’ affirmer l’exigence laïque ?
2°) Comment
aller de situations où il y a des concordats ou des religions d’Etat vers notre
idéal de
séparation des Eglises et des Etats en Europe et dans le monde ?
3°) La loi
de 1905 ne saurait être un modèle à prendre
« clés en main » mais
comment peut-elle être une
référence dans le combat international laïque de l’IHEU et plus
particulièrement du Comité international de liaison des Athées et des Libres Penseurs ?
Les observations et réflexions effectuées en première
partie à partir du dossier diffusé à partir de novembre 2003 ont vérifié ce qui
est déjà considéré comme établi pour les militants laïques : La laïcité
est le fruit permanent du combat pour l’émancipation humaine et plus
précisément pour les libertés et les droits parmi lesquels la liberté de
conscience est première
On peut aussi estimer que ce premier examen contient un
certain nombre d’éléments de réponse, notamment aux questions 1 et 2 .
Alors pour aboutir aux réponses recherchées avec le
maximum de richesse et de maîtrise, ne faudrait-il pasnous engager sur les axes de travail suivants
A)
Etude approfondie des
processus historiques ( idées, institutions, faits sociaux ) qui ont
conduit à la laïcité institutionnelle
en France et aux Etats Unis. ( du XVI siècle à nos jours )
B)
Pour l’ensemble des pays du monde :
Etudier les
grands systèmes d’oppression : toutes les religions monothéistes, Etats,
institutions supra nationales, autres institutions ( banques, FMI, sectes ,
certaines ONG… ? )
En déduire les
objectifs précis d’émancipation démocratique et laïque
Recenser les
points d’appui philosophiques ( écrits contemporains, manifestes ) et
juridiques ( déclarations universelle et spécifiques , articles de constitutions
ou de lois )
En savoir plus
sur les objectifs (revendications ) et conditions des combats laïques
effectivement conduits dans la période actuelle ; pour cela consulter nos
publications , celles de l’IHEU, celles d’associations démocratiques et laïques
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