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     UNION RATIONALlSTE SECTION DE LOIRE  ATLANTIQUE

                        Les principes de la loi de 1905

     Sans contestation possible, les deux articles fondamentaux de la loi de 1905 sont les deux premiers articles assemblés, dans le texte, sous Ie titre premier intitulé " Principes ". Ils affirment :

     Article 1er :

     La République assure /a liberté de conscience. Elle garantit Ie libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.

     Article 2 :

     La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier, qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospice, asiles et prisons.

LE PREMIER PRINClPE

     Le premier article reprend les dispositions de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen (25 août 89) qui stipulait dans son article 10 :

     "Nul ne Doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ".

     La Constitution de l'an lll (1793) stipulait de la même façon, dans son article 354 :

     "Nul ne peut être empêché d'exercer, en se conformant aux lois, le culte qu'il a choisi "

     Le même principe figure de nouveau dans le décret du 2 avril 1871 de la Commune de Paris qui rétablit, pour quelques semaines avant de sombrer sous la répression, la " séparation de l'État et des religions ", lors de l'exposé des motifs :

     " Considérant que le premier des principes de la République française est la Liberté ; Considérant que la liberté de conscience est la première des libertés ; "

     On notera, à cette occasion, la hiérarchisation des principes républicains opérée par les communards. De même, au-delà du texte de la loi de 1905, on notera dans la-déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, la mise en relief réalisée avec le "même religieuses ", comme si cela n'allait pas de soi. Il faut évidemment se replonger dans l'histoire et notamment, pour reprendre un des autres motifs avancés par le décret du 2 avril 1871 de la Commune de Paris, en "considérant, en fait, que le clergé a été complice des crimes de la monarchie contre la liberté ".

     L'esprit de ce premier principe, c'est la liberté de conscience mais il convient de noter :

  1. Qu'il s'agit d'une liberté de conscience conséquente puisqu'il est garanti la libre manifestation de ces opinions, sous la seule réserve, du respect de l'ordre public, ordre public étant lui-même défini par la loi

  2. Que cette liberté, et la garantie de son exercice, s'appliquent même aux ennemis de la République, là encore bien entendu sous la réserve du respect de l'ordre public ; c'est ainsi qu'il convient d'interpréter le " même religieuses " ; les principes républicains s'inscrivent ainsi contre l'autre devise quelquefois proclamée : "pas de liberté pour les ennemis de la liberté ".

                        LE SECOND PRINCIPE

    Le second principe est complexe. La première phrase de l'article 2 de la loi de 1905 établit que :

    "la République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte "

    Plusieurs concepts sont ainsi évoqués dans cette simple phrase.

    l e plus simple est relatif au refus du financement des cuites. Là encore, les antécédents sont presque aussi nombreux que pour le premier principe.

    Ainsi, la Constitution de l'an III précisait, toujours dans son article 354 : "Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d'un culte. La République n'en salarie aucun ".

    La loi du 3 ventôse an Ill précisait également : "La République ne salarie aucun culte ".

    Les attendus du décret du 2 avril 1871 considéraient également "que le budget des cultes est contraire au principe (de la liberté), puisqu'il impose les citoyens contre leur propre foi. ".

    Ainsi, ce second principe soulève au moins trois problèmes de philosophie politique :

  . Celui relatif au concept de " reconnaissance "

  .Celui relatif au concept de" culte"

  . Celui relatif au " salariat " ou à la " subvention " éventuelle des dits " cultes "

   Tout comme la plupart de ces problèmes il convient d'interroger tant la lettre que l'esprit.

   La " reconnaissance "

   On ne s'arrête pas assez, couramment, sur cette affirmation : " La République ne reconnaît ... aucun culte ". En effet, la mémoire collective retient essentiellement le reste de la phrase relative à l'usage des fonds publics.

   Autant le premier principe renvoyait à la " Liberté ", premier terme du triptyque républicain, autant ce second principe renvoie au second terme de ce triptyque, à savoir l'Egalité.

   " Reconnaître ", c'est assurer un statut ( sans parler, pour le moment, du contenu de ce statut ).

   Faire d'un culte une religion d'État ( par exemple "Church of England "en Angleterre ) c'est introduire une inégalité en droit entre citoyens : entre ceux qui adoptent ce culte et ceux qui ne l'adoptent pas, exerçant en cela leur liberté de conscience.

Elever, officiellement, pour l'état, un culte au rang de" religion de la majorité de la population " d'une nation est déja une atteinte dans l'esprit ; cette constatation, éventuellement évidente sur le plan sociologique, ne peut être dressée par l'état, garant, par l'ignorance des cultes dont il doit témoigner, de l'égalité des citoyens.

            Au delà de cela, étendre cette reconnaissance à un ensemble de religion ( typiquement réalisé dans les états alémaniques, ou, en France, dans les départements encore assujettis au Concordat pour lesquels le catholicisme, le protestantisme et le judaïsme sont reconnus ) ne change rien à la question de l'inégalité de droit entre les citoyens adoptant l'un des cultes reconnus et ceux ne se reconnaissant dans aucun d'entre eux, et mème se reconnaissant éventuellement dans un autre ( la- question du nombre de citoyens français d'Alsace ou de Moselle revendiquant l'islam aujourd'hui par rapport au nombre de citoyens français revendiquant leur judaïsme, du fait à la fois des ravages de la destruction des juifs en Europe et du développement de l'immigration maghrébine, pourrait ètre soulevée, si elle ne l'a pas déjà été, au regard de ce "droit local " ).

            Ainsi, affirmer que " La République ne reconnaît aucun culte " est effectivement un principe républicain fort découlant directement de l'égalité en droits ; la laïcité est donc contradictoire tant avec un culte d'état qu'avec la mise en oeuvre d'un quelconque pluralisme,

            On notera néanmoins que les mentions de la fin de cet article 2 contredisent son libellé quand il est dit que " Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ".

            Cette affirmation vise à pouvoir garantir le libre exercice de leur culte à des citoyens ( actuels, ou futurs dans le cas des élèves mineurs, ou anciens dans le cas de détenus ayant perdus leurs droits civiques ) privés de leur liberté de mouvement. Il s'agit donc d'un souhait certainement louable au regard de l'article 1 mais ne pouvant être mis en oeuvre qu'en violant l'article 2.

            C'est pour témoigner du même souci que les moyens de radiodiffusion publique ont établis des émissions cultuelles sur France 2 et sur France Culture le dimanche matin, émissions ouvertes, à la télévision, à un pluralisme officiel (catholiques, juifs, musulmans, orthodoxes et protestants), pluralisme s'élargissant avant la radiodiffusion de l'office catholique sur France Culture par une émission consacrée à " divers aspects de la pensée contemporaine" ( Grande Loge de France, Grand Orient, Libre Pensée, Union Rationaliste ).

            De proche en proche cette institutionnalisation du pluralisme consacre l'éloignement des principes républicains.

            La contradiction apparaîtra encore un peu plus au grand jour lorsque, comme cela ne saurait tarder, l'église catholique sera en mesure d'assurer son propre canal télévisuel, financé par elle-même et diffusé par les moyens de satellite : y aura-t-il alors encore une justification quelconque à un "service public cultuel " ?

            De même, conscients que nous sommes du caractère fallacieux de ces diffusions, devons nous néanmoins nous priver, en ce qui nous concerne, des tranches d'antenne que le pluralisme à prétention républicaine nous offre ?

            Devons-nous, comme le demandent certains de nos amis, revendiquer que, comme à France Culture, la télévision publique nous accueille le dimanche matin avant la messe ( ou après ) pour délivrer notre message de mécréant ?

            Le concept de" culte"

            Nous avons déjà franchi, avec le service public de l'information, la frontière stricte des " religions " puisque le pluralisme qui prétend y régner ( un pluralisme sur liste " fermée" ) entend faire profiter de sa manne les " divers aspects de la pensée contemporaine" dénoncés par ( et dénonçant ) les religions, à savoir les francs-maçons et les courants de pensée issus des Lumières.

            S'exprimer en termes de " culte " est en effet daté historiquement et il apparait clairement que dans les circonstances d'aujourd'hui c'est à l'ensemble des idéologies qu'il faut appliquer les principes érigés lors de la révolution française.

            Il ne saurait y avoir d'état laïque qui adopterait une idéologie officielle ( ce qui exprime d'ailleurs que la laïcité, principe de philosophie politique, ne saurait ètre une idéologie - mème si ce principe est incompatible avec certaines idéologies -, sinon il y aurait contradiction dans les termes ) voire qui en reconnaîtrait. En particulier, il ne saurait d'y avoir un état athée qui serait laïque, mème en garantissant la liberté de conscience.

            La question du financement public.

            Avec la question du financement public nous pénétrons bien entendu le terrain concret des batailles régulières.

            Nous ne pouvons pas ne pas évoquer les subventions ayant contribué, sous couvert d'un musée, au financement de la cathédrale d'Evry, ou, les financements publics directs ou indirects des dernières visites pastorales du pape des catholiques ( certaines collectivités territoriales de l'Ouest ont d'aiIleurs été condamnées par les tribunaux, sur plaintes de citoyens, ... au titre du non respect de la loi de 1905 ).

            La question du financement est celle pour laquelle il est le plus aisé d'illustrer la rupture d'égalité républicaine entre les citoyens. Là encore, mème le pluralisme alémanique ( comme l'impôt religieux en Suisse où l'état collecte et affecte, ou ne collecte ni n'affecte, le " denier du culte "pour les religions reconnues  ne change rien à l'affaire.

            Peu matière à s'étendre donc puisque ce terrain est connu mais, si on élargit la problématique aux idéologies, ainsi que nous l'avons fait en évoquant le point précédent : que penser, au regard de la la•cité, du financement public des partis politiques ?

Ainsi, quelle que soit la voie par lesquels on les aborde, les principes de " liberté " et d'"égalité ", fondateurs de la " laïcité" sont toujours largement d'actualité et au coeur des questions de nos démocraties.

 

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