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Contribution de S. AYACHE, discutée par les adhérents de la  Fédération des Libres Penseurs des Yvelines :

"La séparation des Eglises et de l'Etat est-elle un principe révolutionnaire ?"

"De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace" Le Citoyen Danton, 1792.

1/ La question de l'héritage


Dans le contexte de confusion délibérée, entretenue volontairement dans l'esprit des citoyens, qui règne actuellement dans les médias, il convient d'abord de s'entendre sur l'objet du débat. Les mots ont un sens, même si le langage commun a une tendance générale et naturelle à effacer les nuances et les différences de sens entre les mots.

Peut-on parler "d'idéal laïque" sans préciser si l'on fait référence à un but auquel on n'est pas encore parvenu ou s'il s'agit d'un point de vue idéaliste ? Si l'on donne au mot "idéal" ce dernier sens, on situe le débat sur le terrain d'une approche non matérialiste. C'est possible mais il faut le dire clairement et assumer le risque de s'enliser dans des discussions sans rapport avec la réalité.

Dédaignant ce point de départ idéaliste, n'est-il pas au contraire plus intéressant de comprendre d'abord la signification profondément révolutionnaire de la séparation des Eglises et de l'Etat - pas dans un Etat "idéal", mais dans un Etat bien réel ? En France, cette séparation ne s'est pas réalisée comme un processus naturel : elle a d'abord été une rupture avec l'état antérieur de la société. Cette rupture a été en continuité avec l'héritage de la Révolution de 1789 et de la Commune de Paris de 1871.

C'est ce qui pose la question de l'héritage révolutionnaire dont les Libres Penseurs sont les dépositaires - ils ne sont pas les seuls dépositaires, mais ils en font partie. Car il ne faut pas craindre d'affirmer qu'au travers de la question de la Séparation, c'est bien la question de la rupture avec l'ancien état de la société qui est posée. C'est donc bien la question de l'héritage de la Révolution.

Prenons l'exemple de deux pays très différents : l'Espagne et le Pakistan. 

L'Etat espagnol est actuellement une monarchie héritée du franquisme où l'Eglise catholique conserve d'énormes privilèges. La question de l'unité de la nation n'est pas encore réglée, contrairement à la France d'après la Révolution. L'échec de la Révolution espagnole de 1936-1938 explique le retard de ce pays par rapport au règlement de ces questions. Plus de 60 ans après la victoire de Franco, et près  de 30 ans après la mort du dictateur, la liquidation complète de l'héritage franquiste - dont la législation concordataire est l'un des éléments les plus significatifs - n'est toujours pas réglée et cette question divise toutes les organisations "institutionnelles" qui ont conclu le "pacte de la Moncloa" avec la monarchie espagnole.

 

Le Pakistan est issu de la séparation de l'Inde sur une base religieuse, en contradiction avec la lutte de libération nationale des peuples unis de l'Inde. Les conséquences tragiques de cette séparation anti-démocratique continuent à faire couler le sang des peuples de la région, au Cachemire ou dans l'Etat indien du Goujarat par exemple. La condamnation à mort puis la victoire décisive que constitue la libération du Dr. SHAIKH démontrent que ce pays est en proie à des contradictions extrêmes et que le combat des laïques est loin d'être perdu.

Dans ces deux pays, les partisans de la laïcité peuvent-ils renoncer à leur lutte pour "réaliser leur idéal", c'est-à-dire leur "programme" de laïcité institutionnelle ? La liberté de conscience n'est pas divisible, ni à géométrie variable selon les individus auxquels elle s'applique, ni spécifique à la France.

La Question à l'Etude aborde également la question des deux organisations dont fait partie la Fédération Nationale : l'IHEU et le Comité International de Liaison des Libres Penseurs et des Athées. Nous partons bien entendu du constat que l'Union Mondiale des Libres Penseurs n'est plus aujourd'hui qu'une coquille vide - qu'ont-ils fait pour sauver le Docteur SHAIKH, emprisonné au Pakistan ? -  parce qu'elle a été vidée de son contenu par ses propres dirigeants.

L'IHEU, organisation "large" regroupant des laïques et des "humanistes" de tous horizons, n'a pas la même place que le Comité International de Liaison des Libres Penseurs et de Athées qui est un cadre plus "restreint" : les "bases programmatiques" de ces organismes - dont il est clair qu'ils ne s'opposent en rien, mais qu'ils se complètent au contraire - ne sont pas les mêmes. Mais au travers de ces deux organisations, la Fédération Nationale ne peut pas tenir deux discours différents, car elle mène un seul et unique combat, celui de l'émancipation de l'Homme et donc de la défense de la Séparation des Eglises et des Etats. Quand on ne défend pas ce qui est déjà acquis, on ne peut rien conquérir de nouveau : quelle meilleure contribution les Libres Penseurs peuvent-ils apporter à l'IHEU et au Comité de Liaison International des Libres Penseurs et des Athées sinon d'organiser dans leur propre pays la défense de ce qui est considéré comme un acquis révolutionnaire universel, à savoir la Loi de Séparation de 1905 ?

Tout autre discours adressé à nos amis étrangers ne saurait être que pure vanité ou la preuve d'un idéalisme inconséquent : personne ne peut penser que la Révolution puisse s'exporter "clés en mains" comme un article de prêt-à-porter. Elle se conquiert et se défend chacun dans son propre pays, sans ingérence ni sermon.


2/ La Loi de Séparation de 1905 : un acquis révolutionnaire !

La laïcité, c'est un rapport de séparation (et donc d'exclusion) entre la puissance publique et le citoyen. C'est la garantie juridique et inscrite dans la Loi que d'une part chaque citoyen est libre de ses croyances philosophiques ou religieuses, quelles qu'elles soient, et que d'autre part la puissance publique n'a pas de croyance, ni philosophique ni religieuse - ce qui ne veut pas dire que l'Etat soit athée, l'athéisme étant aussi un "point de vue" philosophique. La laïcité, c'est donc la garantie par l'Etat de la liberté de conscience des citoyens et réciproquement la non-ingérence de l'Etat dans l'appartenance religieuse ou philosophique des citoyens. Les articles 1 et 2 de la Loi de 1905 sont d'une aveuglante clarté sur ces deux points inséparables.

Il ne faut pas réduire la portée de cette loi : la séparation des "sphères de compétences" entre le citoyen et la puissance publique, est bien un acte révolutionnaire dont la portée est universelle. Cette loi est révolutionnaire parce qu'elle affirme clairement une rupture avec les traditions séculaires d'oppression religieuse. Dans un discours prononcé le 2 mars 2004, le sénateur Gérard Delfau parle de la Séparation comme d'un acte "d'une audace inouïe". Il n'a pas tort.

La forme républicaine de l'Etat est aussi un principe révolutionnaire universel qui ne saurait être relativisé ni "individualisé" et qui s'oppose aux autres formes de gouvernement (monarchie constitutionnelle ou traditionnelle, régime totalitaire ou théocratie) qui sont par nature anti-démocratiques. Si la "République islamique d'Iran" porte ce nom, chacun comprend qu'il y a une antinomie flagrante dans les termes puisqu'il y a négation des droit des centaines de milliers de citoyens iraniens (israélites et zoroastriens) qui ne sont pas de confession musulmane : un Etat peut-il être une "république" s'il reconnaît officiellement  une religion ? L'Iran connaît aujourd'hui un régime théocratique qui a honte de dire son nom.

Pourtant le même problème s'est  posé et se pose toujours en République d'Irlande avec la religion catholique, qui se voit reconnaître un statut spécial quasiment égal à celui d'un service public. Mais ce problème se pose avec une acuité encore plus grande en Espagne où toutes les organisations démocratiques sont confrontées à une seule et unique question : faut-il "aménager" la monarchie héritière du franquisme ou au contraire revendiquer le retour à la Deuxième république et dans ce cas rompre complètement avec la monarchie héritière du franquisme ?

La démocratie n'est pas une "notion philosophique" fondée sur la tolérance obligatoire de la diversité des points de vue, même si la démocratie reste inséparable de la liberté de conscience, c'est-à-dire de la liberté de choix du citoyen individuel, dès lors que celui-ci n'empiète pas sur la liberté de ses concitoyens. La démocratie, c'est la puissance publique détenue et exercée par les représentants désignés par le peuple réparti en circonscriptions (le "dème" des Grecs Anciens) : c'est la "députation", la représentation du peuple sur la base d'un mandat électif, qui détient le pouvoir et qui l'exerce effectivement. C'est aussi le contrôle permanent exercé par les représentants du peuple sur l'action du pouvoir exécutif : "c'est la méfiance organisée" par la société tout entière, et non la méfiance "inorganisée" d'individus dressés les uns contre les autres. Cette "méfiance organisée" s'exerce dans le cadre d'une élection par exemple avec des bureaux de vote ouverts aux citoyens, des isoloirs et des urnes scellées publiquement, et quand le dépouillement a lieu en public sur le lieu du vote, quand la liste électorale est consultable par tous les inscrits, etc…

Cela signifie par exemple que les termes de "parti pris laïque", employés par Caroline Fourest et Fiammetta Venner dans leur livre "Tirs Croisés" - alors qu'il aurait peut-être fallu établir une critique rationaliste des idéologies religieuses totalitaires - restent vagues et imprécis. Peut-on parler de "parti pris républicain" sans laisser planer l'incertitude sur ce que recouvre exactement cette expression ? Si elle peut avoir des "partisans" dans les pays où elle n'existe pas encore, la république ne peut pas être un simple "parti pris". La république est un système d'organisation politique de la société qui implique le statut de citoyens possédant tous et chacun les mêmes droits : ce n'est donc pas un "point de vue" idéal, encore moins une "vue de l'esprit" ou un vague "parti pris". C'est la réalité matérielle de l'exercice des droits.

C'est un fait : la séparation de 1905 en France est inséparable du combat pour la démocratie (Affaire Dreyfus) et pour la constitution du mouvement ouvrier en organisations (syndicats, mutuelles, partis politiques se réclamant de l'émancipation sociale).  La Loi de Séparation des Eglises et de l'Etat votée en 1905 par la majorité de la Chambre des Députés, c'est comme la suite de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen adoptée le 26 août 1789 par "les représentants du peuple français constitués en Assemblée nationale". C'est aussi la réalisation complète du décret de séparation de la Commune de Paris de 1871.

3/ Le mouvement international qui a conduit à la Séparation de 1905

La Commune de Paris a une signification révolutionnaire universelle, même si l'événement n'a eu lieu qu'à Paris (et dans quelques villes de province). De même la Loi de 1905 n'est une loi "française" que dans sa forme, dans sa réalité historique et géographique. Dans son fond, elle a une portée universelle. Fruit du combat de l'émancipation des hommes sur tous les continents et depuis plusieurs générations, on doit la considérer  comme l'héritière du combat de l'émancipation des hommes qui a produit, entre autres, la Déclaration de 1789 ou le Premier Amendement de la Constitution américaine. Plus généralement, cette loi est le produit de l'émancipation des hommes depuis qu'ils sont passés de l'état de sujets à celui de citoyens, c'est-à-dire depuis l'achèvement du Siècle des Lumières.

Les mouvements émancipateurs - l'humanisme de la Renaissance, les Lumières, les acquis sociaux -  ne sont en réalité nationaux que dans leurs formes : dans leurs fonds, ils sont essentiellement internationaux. Et le vote de la Loi de Séparation a constitué une étape nécessaire dans l'émancipation générale de toute l'Humanité. La Séparation des Eglises et de l'Etat est "universelle" - et donc universellement applicable - dans son principe et ne saurait être adaptée à une "réalité locale" sans être édulcorée.

Cela explique et justifie pleinement le caractère résolument et naturellement "internationaliste" de la Libre Pensée "française" qui a toujours revendiqué son rattachement à un mouvement international, hier à l'Union Mondiale, aujourd'hui à l'IHEU et par la fondation du Comité International de Liaison des Athées et des Libres Penseurs.

La Loi de 1905 n'est pas non plus le produit exclusif de la situation française. Elle est inscrite dans un mouvement général d'émancipation des peuples.

Comme la légalisation des syndicats n'est pas spécifique à la France (Loi de 1884), puisqu'elle s'est inscrite dans un contexte plus large de constitution du mouvement ouvrier à l'échelle internationale, de même la lutte pour la Séparation des Eglises et de l'Etat, qui a abouti à la Loi de 1905, n'est pas propre à la France.

Au Mexique, en Russie, en Allemagne ce même mouvement libérateur a abouti quelques années plus tard à des révolutions sociales dans ces pays. La victoire constituée par le vote de la Loi de 1905 ne saurait être séparée de tout le contexte international de la lutte émancipatrice.

Et ce n'est pas parce qu'il y a eu victoire ici, qu'il ne s'est rien passé ailleurs. L'exécution de Francisco FERRER en Espagne démontre l'extrême dureté de la lutte émancipatrice dans ce pays, comme dans beaucoup d'autres. L'assassinat d'Emilio Zapata puis de Pancho Villa apporte la preuve de l'âpreté du combat. Cela ne doit non plus masquer la portée historique - et internationaliste, puisque l'une des composantes essentielles de la Révolution était le mouvement ouvrier organisé dans la Casa del Obrero Mundial - de la Révolution mexicaine qui a abouti à une Séparation entre les Eglises et l'Etat encore plus nette et plus radicale qu'en France (interdiction de porter des vêtements ecclésiastiques en dehors des lieux de culte, interdiction des élus de participer à des cérémonies religieuses, etc….).

La Loi de 1905 n'est pas parfaite : elle ne s'applique pas aux "colonies françaises", elle prévoit les aumôneries, etc…. La Déclaration d'Indépendance américaine du 4 juillet 1776, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 non plus n'étaient pas parfaites, puisqu'il était fait référence dans les deux cas à l'Etre Suprême, par exemple. Pour autant personne ne peut nier que la Déclaration d'Indépendance américaine et que celle des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, bientôt suivie d'une nouvelle Déclaration encore plus démocratique en 1793, ont chacune constitué une étape importante dans l'émancipation des hommes et pas seulement en France ou en Amérique, mais à l'échelle mondiale. A partir de 1776, une ère nouvelle a commencé pour l'humanité : le peuple assemblé, en Amérique puis ensuite en France, affirmait détenir des droits imprescriptibles et s'en prenait aux régimes monarchiques. C'est cela la portée historique des révolutions américaine et française.

La proclamation de l'indépendance d'Haïti se situe également dans le prolongement de ce même mouvement émancipateur. On ne peut pas le comprendre si l'on fait abstraction de ce que les esclaves de la Dominique ont compris de la Révolution française : "Les esclaves de France ont conquis leur liberté, à notre tour nous allons oser être libres".

4/ La défense de la Loi de 1905 : Une priorité pour la Libre Pensée française

L'esprit humain se contente parfois de bien peu : le chemin de la facilité prend le dessus quand le courage serait nécessaire. La Loi de 1905 serait-elle devenue une icône, ou ces Rouleaux de la Loi que les fidèles promènent dans les synagogues pendant les périodes de dévotion intense ? Serait-elle devenue un monument historique vénérable dont on devrait respecter la mémoire sans se soucier de sa restauration ?

C'est l'inverse qui est vrai : parce que la contre-révolution menace de la faire disparaître, il faut la préserver. C'est un fait : ceux qui ont renoncé à rétablir la Séparation ont renoncé également aux acquis de la Révolution et à la Révolution elle-même.

Et parce que la Loi de 1905 est une loi "française", il revient aux Libres Penseurs de France le redoutable honneur d'assurer sa défense. Reprenons à notre compte les sages paroles du citoyen Danton :

"De l'audace encore de l'audace, toujours de l'audace !"

Ou bien la liberté de conscience existe et le citoyen, quelle que soit sa nationalité ou le lieu où il réside, est totalement libre de ses convictions, ou bien cette liberté est limitée et tout empiètement à cette liberté, toute restriction, si petite soit-elle, de cette liberté est une atteinte à la totalité des droits du citoyen. La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1793 ne disait pas autre chose : "Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé."

Personne n'est libre si tous les citoyens ne le sont pas. Et si tout n'est pas acquis, le peu qui est déjà acquis peut être remis en cause. Et c'est le cas pour la Loi de 1905 qui n'est pas parfaite et qui est sans cesse remise en cause depuis sa mise en application : statut exceptionnel d'Alsace Moselle, aumôneries, détournements de fonds publics, multiples lois anti-laïques, etc...

Qui cherche à remettre en cause la Séparation ? Ce sont les forces de la réaction, de l'oppression. C'est la Contre-Révolution, les nostalgiques de l'Ancien Régime, ceux qui nous parlent de la "France éternelle" et de son héritage chrétien. C'est Jean-Paul II qui nous rappelle le baptême de Clovis et la consécration par Louis XIII du Royaume de France au culte de la Vierge Marie. Au travers du blâme infligé à un professeur d'Histoire, ne veulent-ils pas aujourd'hui créer un précédent juridique et rétablir le délit de blasphème ? 

En face de la réaction, il nous faut résolument combattre pour préserver les acquis de la Révolution : la République une et indivisible et laïque.

Annexe : discours du sénateur Gérard Delfau, le 2 mars 2004 (extraits) :

"La loi de Séparation des Eglises et de l'Etat (09 décembre 1905) reste le texte fondateur. Par son intitulé  même, la "Loi de Séparation des Eglises et de l'Etat", qui fonde la laïcité a, dès l'origine, valeur universelle et vocation à l'intemporalité. Le pluriel qu'elle utilise : "Eglises" dénoue le lien avec les circonstances qui l'ont fait naître. Aussi peut-on envisager qu'elle soit, si nécessaire, réaffirmée dans l'application pratique de ses principes mais non  qu'elle soit modifiée ou retouchée, en fonction de l'air du temps. Cela vaut aussi bien par rapport aux pressions qu'exercent sur la sphère publique certaines composantes islamiques que pour le débat en cours sur les "racines chrétiennes" de l'Union européenne, dans le cadre d'une éventuelle Constitution.

Dès la première phrase, la loi de Séparation rompt avec une tradition ancrée dans des millénaires d'histoire et elle pose un principe révolutionnaire: "La République assure la liberté de conscience". Par là , l'individu, devenu citoyen, est affranchi de toute tutelle religieuse, philosophique, politique. La neutralité de l'Etat est le moyen de cette émancipation : A lui d'organiser la distinction entre la sphère publique  domaine de la laïcité  et la sphère privée, là  où peut s'épanouir la liberté des cultes et des adhésions philosophiques, sous l'unique réserve de ne pas troubler l'ordre public.

Sous cette forme et  à cette condition, la République "garantit l'exercice des cultes", l'une des manifestations - pas la seule - de la liberté de conscience, qui reste le principe fondateur.

Par voie de conséquence, "La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte" (article 2) et le régime du concordat entre l'Eglise catholique et l'Etat français est abrogé. Le lien entre pouvoir politique et institution religieuse est définitivement coupé. Ce renversement de perspectives demeure, aujourd'hui encore, d'une audace inouïe. Il s'accomplit au nom d'une conception si exigeante de la République qu'elle reste une exception dans le monde, même si l'idée de Séparation des Eglises et de l'Etat est beaucoup plus présente qu'on ne dit dans de nombreux pays".

Discussion et débat : Comment se pose la question de la laïcité en Palestine ?

Sans être un état "théocratique" au sens strict du terme - ce n'est pas la loi religieuse qui s'applique mais la loi civile, votée par le Parlement - l'Etat d'Israël est fondé sur le principe sioniste d'un "Etat Juif", c'est-à-dire sur des droits particuliers accordés à une partie de la population. La "Loi du Retour" de 1947 permet à n'importe qui de devenir automatiquement citoyen israélien dès qu'il pose le pied sur le sol israélien s'il peut prouver qu'il est "juif" au sens rabbinique du terme (né de mère juive) ; les habitants non-juifs qui résident depuis leur naissance sur le territoire national sont exclus de certains droits (interdiction de se rendre dans les zones militaires, interdiction du port d'arme, exclusion du service militaire et de la police). Si le conflit en Palestine porte d'abord sur la question de la souveraineté nationale, il y a aussi une question religieuse évidente : la laïcité - c'est-à-dire la neutralité en matière religieuse d'une république libre et indépendante  - est au cœur du débat, au même titre que l'abolition de la "Loi du Retour" de 1947 et pour une nouvelle "Loi du Retour" permettant aux réfugiés palestiniens de rentrer au pays.

Est-il possible de "laïciser" l'Etat d'Israël ?

La doctrine fondatrice de cet Etat, le sionisme, a pour origine la conviction que la laïcité est impossible. C'est la conclusion du journaliste autrichien Théodore Herzl qui assistait au procès Dreyfus : l'affaire Dreyfus démontrait à ses yeux que les Juifs ne pouvaient rien espérer de la démocratie, il leur fallait un Etat dans lequel ils seraient majoritaires, un "Etat Juif".

Dès sa conception, cette doctrine politique tourne le dos à la démocratie : parce que si le combat pour la vérité et la justice est inutile, alors la laïcité n'est plus qu'un leurre.

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